Considéré comme le spécialiste de la culture pop américaine, Greil Marcus nous livre avec son dernier essai une réflexion brillante et passionnante sur cette Amérique qui ne peut pas vivre sans se juger elle-même, prise entre ses doutes et ses pulsions autodestructrices. Il nous propose un point de vue oblique sur ce pays qui fascine autant qu’il peut faire peur.
Partant d’une définition de la nation comme « expression de la vertu autoproclamée » et de l’idée selon laquelle « il n’y a pas d’identité américaine sans un sentiment d’apocalypse ou de présage », l’auteur analyse les voix de ces prophètes d’une « république perdue » (sous-titre de l’essai) qui ont prédit l’escroquerie qu’est devenue l’Amérique et la mise à mal du pacte originel que les premiers arrivants avaient signé avec eux-mêmes au XVIIe siècle.
Si les trois discours fondateurs sont ceux, chronologiquement, de Winthrop, de Lincoln et de Martin Luther King, ce sont les œuvres de Philip Roth, de David Lynch, de David Thomas et d’Alan Ginsberg que Greil Marcus passe au crible de son analyse, une analyse hantée par l’ombre des attentats du onze septembre 2001.
On lit le tout comme un roman ; on regrette presque de ne pas apprécier plus que ça les films de David Lynch (dont on adore par ailleurs la série télévisée Twin Peaks…), on se dit qu’il faut absolument découvrir ce groupe de musique des années soixante-dix créé par ce David Thomas qui ne dira sans doute pas grand-chose au lecteur français, on sent l’irrésistible envie de se plonger à nouveau dans les œuvres du génial Philip Roth, et de découvrir toutes les références qui émaillent le texte.
L’Amérique et ses prophètes aura entr’ouvert la porte, à nous de nous y engouffrer. La culture pop est là, tout autour, avec ses artistes, ses jugements, ses prophéties. Il suffit juste de tendre l’oreille...
Traduit de l’américain par Clément Baude , Greil MARCUS, Galaade Editions, 2007 (2006 pour l’édition originale), 384 pages.