Après La Confession de Castel Gandolfo (Plon, 2008), Pietro de Pauli, pseudonyme d’un mystérieux auteur qui se cache pour s’assurer une complète liberté de parole et d’écriture, signe ce « récit » pour le moins décapant. Son héros-narrateur, Marc Belhomme, qu’on avait connu dans 38 ans, célibataire et curé de campagne (Plon, 2006), est devenu évêque d’un petit diocèse rural. Il a 53 ans quand commence ce « journal » d’un évêque de campagne, qu’il va poursuivre pendant quatre mois.
Bernanos avait prévenu : « Ma paroisse est dévorée par l’ennui, voilà le mot. Comme tant d’autres paroisses ! » C’était en 1936. Soixante-dix ans plus tard, ce livre en fait écho.
Évêque, Marc est passé de l’autre côté de la hiérarchie ; il accepte timidement de succéder aux apôtres, il endosse la responsabilité ecclésiale. Courageux, intelligent, homme de foi et de prière, il raconte. Son témoignage est déclenché par une probable tumeur au cerveau qu’on a du mal à diagnostiquer, et qui pousse à l’urgence.
Que faire dans le diocèse quand l’Église coule !
Manque de vocations, vieillissement des prêtres, montée de la tradition, incompréhension du Vatican (l’Église souffrirait-elle elle-même d’une tumeur au cerveau ?), peur des évêques rassemblés à Lourdes… Le diagnostic est effrayant : on ne sait pas ce qui est pire d’une tumeur au cerveau de l’homme qui parle ou de l’Église qui se tait.
« Parfois, je me demande si l’Église n’est pas malade de la maladie de ses prêtres, de ses évêques, de son pape : la solitude […] La solitude devient un soliloque stérile qui éteint la capacité de dialogue, qui rend insupportable la contradiction […] Oui, l’Église est malade de son long soliloque, de sa solitude choisie, de son superbe isolement. » Et plus loin, il s’interroge : « Comment une religion de la communion engendre-t-elle tant de solitude ? »
Le malaise concerne tout le monde. Marc, Mgr Belhomme, est pris dans les secousses provoquées par la levée d’excommunication des quatre évêques intégristes, par l’affaire Williamson, par le viol et l’avortement de la fillette de Recife, par le buzz autour de la déclaration pontificale sur le préservatif… Il doit s’expliquer devant les curés, les paroissiens, les dames-cathé : « Une petite dame, toute menue, avec un filet de voix très doux, dit : "Sur les chambres à gaz, on peut s’expliquer, dire que c’est Williamson, mais le plus difficile, c’est quand les gens demandent pourquoi les divorcés, eux, sont toujours excommuniés." Là, c’est le déferlement, elles parlent toutes en même temps. » La question des divorcés-remariés revient fréquemment dans le récit. Mgr Marc Belhomme y est confronté : « Je crois que nous, les responsables de l’Église catholique, sommes dans l’impasse. » Et il reprend la formule du père Yves Congar : « On peut condamner une solution mais pas un problème. » Une justification jamais ne saurait faire jugement. Or, il s’agit bien de cela. Belhomme constate que l’Église se ferme sur elle-même à tous les niveaux.
DANS LA PEAU D’UN ÉVÊQUE, Pietro de Pauli
Éditions Plon, 291 p., 19,90 €