Fin de la recension de cet ouvrage critique de l'Eglise aujourd'hui, à la manière d'un Jacques ELLUL et son livre : La subversion du christianisme.
Dans la peau d'un évêque : le Pape ?
D’abord, Marc est clair : « Critiquer le Pape, ce n’est pas blasphémer. » Et, il faut bien le dire, l’erreur de casting est là : « Après tout, les vrais responsables de ce fiasco sont les cardinaux qui, à la mort de Jean-Paul II, ont cru pouvoir se défiler. Ils ont évité de se poser les vraies questions sur l’avenir de l’Église et l’annonce de l’Évangile aux hommes et aux femmes de ce temps. Ils ont élu un "pape de transition", en se disant que cela leur donnerait le temps de voir. Et on voit ce qu’on voit ! ».
Les évêques ? Depuis qu’il en est, il peut mieux observer : « Au fond, la grande peur des évêques, c’est la disparition du catholicisme. Ce n’est jamais exprimé aussi clairement, mais c’est la croix qu’ils portent, la terreur qui est au fond du cœur. Et il faut bien avouer qu’il y a de quoi. […] La réalité terrible, c’est que tout manque, les chrétiens, les prêtres, les moyens matériels et financiers. Mais ce qui manque par-dessus tout, c’est le désir, l’élan, tout simplement l’Espérance. »
Les prêtres ? « Les populations qui traditionnellement "donnaient" des prêtres, c’est-à-dire les familles rurales nombreuses, ont disparu. Elles donnaient d’excellents curés de campagne. Aujourd’hui, la plupart des jeunes prêtres sont issus de familles bourgeoises traditionnelles. Et ça n’est pas sans poser de problèmes… Dans mon diocèse d’origine, j’ai vu ordonner ces dix dernières années de jeunes gens issus de ces familles-là. Ils sont très pieux et très obéissants, du moins en apparence. Quand on y regarde de plus près, ils obéissent davantage aux codes culturels de leur milieu qu’à l’esprit de l’Évangile. »
Est-ce un problème de formation ? Belhomme-de-Pauli se demande : « Doit-on enraciner chez les jeunes séminaristes une vie spirituelle proche de la vie religieuse, au risque de les couper de la réalité, ou doit-on les plonger rapidement dans l’apprentissage des paroisses ? » Or, « sur la question des séminaires, chaque évêque veut être maître chez lui ».
Comment rassembler un peuple quand tout tend à le diviser davantage ?
Dans la peau d’un évêque dit tout haut ce que de plus en plus de chrétiens pensent tout bas. « Cette crise couve depuis des décennies, peut-être des siècles, et elle s’amplifie parce que l’histoire s’accélère. »
Le livre serait nauséabond si les observations de Marc Belhomme ne venaient pas non d’une désillusion mais d’une foi profonde. Face à la mort probable, on le voit prier, se réjouir du fond du cœur d’une ordination, croire de toutes ses forces en la bonne nouvelle :
« L’Évangile porte des fruits chaque fois qu’un malade est visité, chaque fois qu’un pauvre est regardé comme un frère, chaque fois qu’un pécheur est pardonné, chaque fois que des ennemis se réconcilient, chaque fois qu’un être humain désire le bien et le bonheur d’un autre avant son propre bonheur, chaque fois qu’un humain qui souffre trouve un autre humain pour lui tenir la main. »
On le voit dire sa messe comme si elle était sa première ou sa toute dernière messe, on sent battre son âme pauvre, chahutée, mais toujours ferme et belle. A-t-il de l’Espérance ? Ce livre exhorte l’Église à appliquer enfin le Concile Vatican II, Concile « plus important que celui de Nicée », avait dit Paul VI. Pietro de Pauli exhorte les théologiens à travailler non plus pour valider le passé pour prospecter dans l’avenir, pour s’appuyer sur la parole de Dieu. « Nous acceptons que Dieu nous juge, mais pas que Dieu nous pardonne », écrit-il.
Livre électrochoc, certes, mais livre écrit avec ce bon sens de qui veut accoucher d’une Église renouvelée par la foi et par l’Esprit ; de qui veut rassembler tous les enfants d’un même Père pour que l’Évangile ne soit pas qu’un texte ni l’Église qu’une institution.
À lire d’urgence.
DANS LA PEAU D’UN ÉVÊQUE, Pietro de Pauli
Éditions Plon, 291 p., 19,90 € (septembre 2009)