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  • L'esprit spirite au XIXe-XXe siècle

    C’est au XIXe siècle que pareilles expérimentations aspirent véritablement au statut de « sciences occultes » (pratiques en marge de la science et de la religion). Aller au-delà des pouvoirs de la conscience, tel est l’enjeu. Balzac (Ursule Mirouët, 1841), Dumas père (Joseph Balsamo), magnétiseur à ses heures, mais aussi Nerval, Hugo ou Poe n’excluent pas la possibilité de l’existence de forces qui dépassent l’homme et en popularisent l’idée. Le « sommeil somnambulique » ou hypnotique est à la mode. L’exploration des mystères de l’âme s’y inscrit à la suite des découvertes anatomiques ; et le désenchantement politique ressenti par les romantiques les incite à chercher d’autres issues. On lit ainsi dans les cartes de tarot de Marie-Anne Adélaïde Lenormand, qui manie aussi le marc de café et les blancs d’œuf battus, véritable cuisine voyante fortement rétribuée par ceux qu’elle captive. Retour des sorcières en plein XIXe siècle, comme s’en inquiète la Gazette des tribunaux ? Nicole Edelman corrige la sentence : « La somnambule magnétique se distingue radicalement de la sorcière : elle se veut fille de la modernité urbaine, de la raison, symbole du progrès de la science par le magnétisme. »

    Croire ou ne pas croire ? En tout cas, les progrès de la science ouvrent une boîte de Pandore et suscitent ce type de questionnements. Et l’invention du daguerréotype, en 1839, relance le problème de l’accessibilité à l’invisible. Capter l’immatériel, tel est le but de la photographie spectrale, et l’alibi d’un commerce de photographie spirite. Le tremblé et le flou, où se dessinent ectoplasmes et revenants, revendiquent le statut de la preuve, quitte à omettre de mentionner les trucages par surimpressions de clichés : on assure observer les empreintes photographiques obtenues en l’absence de lumière sous l’action de rayons mystérieux, et l’on n’a de cesse de traquer les forces qui s’impriment sur la plaque sensible. Ces sublimes supercheries et authentiques expériences tendues vers la recherche de la vibration lumineuse d’une âme amorcent au moins la réflexion sur l’inconscient et annoncent la psychanalyse. Et les apparitions mariales, en 1830, 1847 et 1858, relancent encore les débats sur les marques de l’invisible, les visions ou les hallucinations, espaces encore inexplorés et inexpliqués.

    Mais tous ces phénomènes renvoient en fait au regard que la société porte sur elle-même. Ainsi, le carnage de la Première Guerre mondiale ravive-t-il la croyance en la survie des morts et engendre une nouvelle poussée du spiritisme. Les proches d’un soldat disparu, incapables, faute de sépulture, de faire leur deuil d’un fils ou d’un mari, tentent de le retrouver par des dialogues médiumniques. Dans l’après-guerre, l’écriture automatique – le crayon posé dans la main écrivant sous l’impulsion de l’esprit – est remise à la mode par les surréalistes, épris de « beauté convulsive » et fascinés par les expériences sur l’hypnose pratiquées à la Salpêtrière par le docteur Charcot (1825-1893) dans le cadre des ses recherches sur l’hystérie.